Avec Narcisse, tout en épousant la poésie de l’eau et sa matière, Oscar A s’emparait de la question du « je » faisant suite à une lecture du livre de Clotilde Leguil ( le « Je » une traversée des identités). Narcisse s’est progressivement mêlé, dilué, métamorphosée dans une eau moins calme, plus étrange et dérangeante, en flux permanent : celle d’Ophélie, personnage du Hamlet de Shakespeare.
La transition va de soi, transition d’une figure à l’autre, d’une folie à l’autre, d’un miroir à l’autre. Encore étudiant en sciences de l’éducation, j’avais été touché par la lecture de Winnicott sur la mère suffisamment bonne. Si la question de la féminité se pose d’emblée, je la porte en dehors des questions sociétales sur le genre. Le féminin tel qu’il est abordé touche plus du féminin en soi : l’originel. Comment évolue cette part maternelle qu’on vit en soi-même ? Cette naïade est tout ce désordre de l’eau folle et sombre à la fois: Narcisse, Lyriopé, Céphise, et puis il est Ophélie.
Ophélie m’intéresse, car elle prend toute la détresse féminine représentée avec un désir du néant ou l’inverse plutôt : le néant du désir. Il y a de l’abandon. C’est peut-être là l’aspect morbide qui ressort, dans cette Ophélie, le suicide qui peut-être un dernier acte désirant est dépassé. Le débat sur la mort accidentelle ou non d’Ophélie est dans ce sens fondateur. Ophélie incarne donc on ne peut mieux la folie, et là un glissement ou plutôt une bascule se fait entre mes matières d’imaginaire, l’eau et l’air. Ophélie rencontre Don Quichotte. Mais ici quelque chose dérange… il faut des fleurs pour que le drame d’Ophélie soit soutenable et potentiellement mis à distance, il faut de la farce pour que la folie de Don Quichotte n’embarrasse pas trop les consciences.
Et là, c’est tout l’intérêt de la performance improvisée, non-événement, non-programmée, nous avons rencontré des fleurs à travers un public improvisé, (malgré lui ?) coloré et jovial en bord de rivière. Et puis ces moulins à vent qui ne tournent pas, immobiles… Alors forcément toute obstination dans un geste devient caduque: avancer, se laisser couler, flotter, recommencer, courir loin, revenir etc.
J’y pense à l’instant, ado j’ai été touché par le film Cours, Lola, cours de Tom Tykwer, il y a quelque chose de fascinant dans cette forme à la Sisyphe. « L’absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde. » nous dit Camus. Lorsque j’ai découvert les plans, les cadrages et la réalisation de Juliette Suchel, j’ai été saisi par l’aspect clownesque de certaines images. Son regard et le rythme qu’elle a créé par son montage m’ont autorisé à porter plus loin l’absurde aussi dans la dimension sonore. Il est peut-être temps de se confronter à l’absurde…
Après une première performance filmée et réalisée par Juliette Suchel, avec le soutien de l’Adagp, Oscar A poursuit ce travail poétique dans le cadre d’une résidence de création au Conservatoire à Rayonnement Régional d’Annecy.